Pascal Terrasse : "L'économie collaborative a cette vocation d'ouvrir le champ des possibles"
L’économie collaborative : une opportunité pour la France face à la reprise économique
9 février 2016 - Pascal Terrasse, député de l'Ardèche, remet son rapport sur l’économie collaborative au Premier Ministre Manuel Valls. Depuis, il ne cesse de promouvoir ce modèle économique qui s’impose aujourd’hui comme une alternative clé dans un contexte de reprise économique encore fragile.
L’économie collaborative représente une véritable opportunité pour la France, particulièrement en période de reprise économique timide. Selon Pascal Terrasse, spécialiste de ce sujet, ce modèle permet un échange de services, de biens et d'usages entre des acteurs privés, mais aussi professionnels. En ce sens, il offre de nouvelles perspectives tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Pour les professionnels, l’économie collaborative est un moyen d'accéder à des marchés jusque-là fortement réglementés et souvent inaccessibles. Ce modèle leur permet de se réinventer, de se rapprocher de leurs clients et d’offrir des prestations adaptées aux nouvelles attentes du marché. Mais cette nouvelle forme d’échange a également une dimension plus solidaire et plus respectueuse de l’environnement, ce qui la rend particulièrement attractive pour les consommateurs soucieux de ces enjeux.
Du côté des jeunes, formés et qualifiés mais souvent éloignés du marché de l’emploi traditionnel, l’économie collaborative offre une alternative. Au lieu de chercher un employeur, de plus en plus d’entre eux choisissent de devenir entrepreneurs en utilisant ce modèle pour proposer leurs services. En période de crise, il est souvent plus facile de trouver des clients que de décrocher un emploi stable. Ainsi, l’économie collaborative devient un levier d’insertion professionnelle et d’entrepreneuriat pour les jeunes talents.
"Je considère qu'au fond, l'économie collaborative n'a pas besoin de réglementation fiscale plus que ce qu'il en existe."
Le manque de régulation dans l’économie collaborative : un frein ou une opportunité ?
En réponse à la question sur le manque de régulation dans ce secteur, Pascal Terrasse se positionne clairement contre une sur-réglementation. Selon lui, la France est déjà trop régulée et cela freine l’innovation. "L’idée de mon rapport, comme celle de la loi, est de trouver un équilibre", précise-t-il. Il estime que l'économie collaborative n’a pas besoin de nouvelles règles fiscales, à condition que ses acteurs respectent les obligations fiscales existantes. "L’économie collaborative doit permettre aux professionnels de s’adapter et de pénétrer de nouveaux marchés, mais cela ne doit pas signifier que certains échappent à leurs obligations fiscales. La règle est simple : si vous êtes un professionnel, vous devez payer vos impôts comme tout le monde", ajoute Pascal Terrasse.
Les amendements Carvounas sur la location de logements : une menace pour les utilisateurs ?
Le sénateur socialiste Luc Carvounas a introduit deux amendements concernant la location de logements entre particuliers, notamment via des plateformes comme Airbnb. Pascal Terrasse considère que ces amendements ne font que rappeler les règles déjà existantes pour les loueurs de meublés. "Si vous louez votre bien principal jusqu’à 750 euros par mois, vous n’avez rien à déclarer. Mais si vous le louez plus de trois mois par an, vous devenez un loueur de meublé et vous devez vous soumettre à la réglementation, notamment en matière de déclaration et de fiscalité", précise-t-il.
Il estime que ce dispositif vise avant tout à éviter la concurrence déloyale, où certains opérateurs échappent à la fiscalité en ne déclarant pas leurs revenus. "Cela s’applique à tous, et notamment à ceux qui louent sur des plateformes comme Airbnb. Il est important que ces acteurs se mettent en règle", souligne Pascal Terrasse. Quant à l’obligation pour les plateformes de communiquer les revenus générés par les utilisateurs, il avoue qu'il n’était pas entièrement favorable à cette mesure. Toutefois, il suggère que cela pourrait être utile à long terme pour garantir la transparence fiscale.
L’évasion fiscale dans l’économie collaborative : un enjeu à surveiller
Dans son rapport, Pascal Terrasse a proposé que les plateformes communiquent directement les montants perçus par leurs utilisateurs aux autorités fiscales, afin de lutter contre l’évasion fiscale. Il explique : "Aujourd’hui, les salariés voient leurs revenus pré-remplis dans leur déclaration d'impôt grâce aux informations transmises par leurs employeurs. Il en va de même pour les placements financiers ou immobiliers. Pourquoi ne pas utiliser les outils numériques pour faire de même dans l’économie collaborative ? Cela permettrait de mieux contrôler les revenus et de limiter les abus." Selon lui, certains acteurs utilisent ce modèle économique pour éviter de payer des impôts, ce qui doit être réprimé. "Ce phénomène touche aussi bien les petites entreprises que les grandes, et il est crucial de l'encadrer", conclut-il.
L'absence d'un observatoire de l'économie collaborative : un frein pour la France ?
Le rapport de Pascal Terrasse proposait également la création d’un observatoire de l’économie collaborative, une idée qui n’a pas été retenue dans la loi "République numérique". Il regrette cette omission : "Il est essentiel d’avoir un espace où les acteurs du secteur, qu'ils soient privés ou publics, puissent échanger et anticiper les évolutions réglementaires. Cela permettrait de mieux comprendre les enjeux et de se calibrer par rapport aux autres pays", explique-t-il.
Il ajoute que la France prend du retard face à des pays comme les États-Unis, où l’économie collaborative est déjà bien installée, et que l’anticipation des évolutions du marché est indispensable pour rester compétitif à l’échelle mondiale. "L’histoire nous montre que lorsqu’un pays tarde à s’adapter, il finit par se faire dépasser. Il est crucial que la France prenne rapidement le tournant de l’économie numérique, au risque de se retrouver à la traîne", met-il en garde.
La "destruction créatrice" de Schumpeter : l'économie collaborative en question
Enfin, concernant la notion de "destruction créatrice" d'après l'économiste Schumpeter, Pascal Terrasse affirme que ce principe s'applique parfaitement à l'économie collaborative. "Lors de chaque transition économique, il y a des pertes d'emplois, mais aussi la création de nouveaux métiers et secteurs. Ce phénomène est inévitable", souligne-t-il. Il considère que la France doit s’adapter à cette nouvelle réalité plutôt que de résister. "Il est important que la puissance publique anticipe ces transitions, notamment en matière de formation professionnelle et d'éducation numérique. Si nous ne réagissons pas rapidement, d’autres pays nous devanceront."
Il souligne que certains secteurs, comme celui des taxis avec Uber ou de l’hôtellerie avec Airbnb, vont être touchés par la désintermédiation, ce qui entraînera la disparition de certains postes. "La question, c'est de préparer la reconversion des travailleurs, en particulier des femmes, qui risquent d’être les plus touchées par cette transformation du marché du travail", conclut Pascal Terrasse.