
Loi "République numérique": la mauvaise surprise pour Airbnb
La loi "République Numérique" adoptée au Sénat : des amendements qui compliquent la vie des utilisateurs d'Airbnb
Après son adoption par les députés le 26 janvier 2016, la loi sur le numérique, surnommée "République Numérique", a été votée par les sénateurs le 3 mai 2016. Ce texte, piloté par la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle LeMaire, a fait l’objet d'une consultation citoyenne en ligne avant d’être présenté à l’Assemblée nationale. Cette consultation s’est déroulée du 26 septembre au 18 octobre 2015, permettant ainsi aux internautes de donner leur avis et de contribuer à l'élaboration du projet.
Toutefois, deux amendements importants ont été ajoutés au texte, modifiant de manière significative la réglementation sur les plateformes de location de logements entre particuliers, comme Airbnb. Proposés par le sénateur socialiste du Val-de-Marne, Luc Carvounas, ces amendements répondent aux critiques d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, qui milite depuis plusieurs mois pour un encadrement plus strict des locations de courte durée. Ces changements risquent de compliquer la vie des utilisateurs de la plateforme.
Une consultation citoyenne historique pour le projet "République Numérique"
La loi "République Numérique" a marqué un tournant dans la politique législative française en raison de son processus participatif. Pour la première fois, un texte de loi aussi important a été soumis à une consultation citoyenne en ligne, du 26 septembre au 18 octobre 2015. Ce projet de loi, présenté à l’Assemblée Nationale le 9 décembre 2015, avait pour objectif de mettre à jour la législation française face aux évolutions rapides des nouvelles technologies et des modèles économiques alternatifs qu’elles engendrent.
Après l’adoption du texte par les deux chambres, une commission paritaire mixte est désormais chargée de rédiger une version finale avant que le texte ne soit soumis à un dernier vote au Parlement, prévu avant la fin du mois de juin 2016.
Initialement, le projet de loi "République Numérique" visait à mieux protéger les internautes face aux enjeux du big data et à rendre accessibles au public les données des administrations publiques. Cependant, après la remise du rapport de Pascal Terrasse sur l’économie collaborative en février 2016, le gouvernement a intégré plusieurs de ses propositions dans le texte. Ces recommandations exigent des plateformes des informations tarifaires et contractuelles plus transparentes, ainsi qu'une obligation de publier les avis des utilisateurs en ligne.
Ces mesures ont été bien accueillies par les acteurs du marché, les consommateurs et les élus, mais elles ne constituent qu'une partie des changements potentiels qui pourraient impacter l'économie collaborative si la loi était adoptée dans sa version actuelle.
Deux amendements qui raviront la Maire de Paris
Le sénateur socialiste Luc Carvounas, soutenu par la maire de Paris Anne Hidalgo (source : Boursorama.com), a présenté deux amendements le 3 mai 2016, qui risquent de compliquer la vie des utilisateurs d’Airbnb, un des leaders de l’économie collaborative. Ces amendements, adoptés à main levée, imposent des restrictions plus sévères pour les habitants des agglomérations de plus de 200 000 habitants souhaitant louer leur appartement sur la plateforme.
Dorénavant, les utilisateurs devront s'enregistrer auprès de leur mairie pour obtenir un numéro d’enregistrement obligatoire, et ce, si la collectivité décide de mettre en place cette obligation par décret. Ce changement constitue un durcissement des règles, car jusqu’à présent, les "hôtes" n’avaient besoin d'aucun justificatif administratif pour publier une annonce sur Airbnb. Cette nouvelle procédure complique donc la démarche pour ceux qui souhaitent proposer leur logement à la location.
Loi pour une République Numérique : j'appelle à renforcer la régulation de la location meublée touristique.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 21 avril 2016
Des mesures supplémentaires qui compliquent encore la situation pour Airbnb
Le zèle du sénateur du Val-de-Marne Luc Carvounas ne s’est pas arrêté là. Une autre mesure, potentiellement lourde de conséquences pour Airbnb, touche la taxation des revenus issus de la location de logements entre particuliers. Selon un nouvel alinéa du texte, toute personne percevant 5 000 euros ou plus par an en louant sa résidence principale serait désormais soumise à l’impôt et aux cotisations sociales sur ses gains.
Cette mesure viendrait s’ajouter à la limitation déjà en vigueur des 120 jours de location par an, une restriction qui pourrait bientôt être renforcée. En effet, les plateformes telles qu'Airbnb seraient désormais tenues de bloquer les annonces des utilisateurs ayant dépassé cette limite, rendant ainsi le processus de location encore plus contraignant pour les hôtes.
Ce qui changerait avec la loi sur le numérique pour les utilisateurs de Airbnb:
- - L’enregistrement en Mairie afin d’obtenir un numéro de loueur pour les villes de plus de 200 000 habitants qui ont rendu cette démarche obligatoire.
- - Le paiement d’impôts sur le revenu et de prélèvement sociaux sur les revenus de plus de 5000 euros par an générés sur la plateforme.
Un nouveau chapitre de la bataille contre Airbnb
Les amendements adoptés au Sénat pourraient marquer une première victoire pour la ville de Paris dans sa lutte contre les plateformes de location de logements entre particuliers à but touristique, si ces mesures sont effectivement promulguées. La municipalité parisienne a d'ailleurs anticipé leur adoption en affichant publiquement son soutien. Le 10 mai 2016, la ville a mis en ligne sur opendata.paris.fr la liste de 126 propriétaires parisiens ayant payé plusieurs milliers d'euros pour louer légalement leur logement à des touristes toute l'année. Accusée d’encourager la délation, la mairie de Paris a rétorqué qu’elle souhaitait provoquer "un choc de conscience" (source : Europe 1), espérant ainsi une mise en conformité massive des logements loués toute l’année à des touristes.
La réaction d'Airbnb n’a pas tardé. Quelques heures seulement après l’adoption du texte au Sénat, la plateforme, qui propose environ 200 000 logements en France et génère un chiffre d’affaires annuel de 5 millions d’euros (source : société.com), a lancé une pétition en ligne pour protester contre ces nouvelles mesures. La tension est bien palpable, et nous sommes désormais loin des poignées de main chaleureuses échangées le 26 février 2015 entre Bruno Julliard, adjoint au maire de Paris, et Brian Chesky, cofondateur d’Airbnb.