Des Américains ubérisent le ramassage de déjections canines !

Des Américains ubérisent le ramassage de déjections canines !

  /   par David Frade

L’application présente toutes les caractéristiques des plateformes à succès. Design élégant, ergonomie d’utilisation, un patron dans la moyenne d’âge des multimillionnaires de la Silicon Valley… Et pourtant, ce n’est qu’une parodie ! Pooper ne vous permettra donc pas de gagner votre pécule en ramassant des déjections canines. Son créateur, Ben Becker, s’explique sur cette parodie de l’ubérisation qui se veut dénonciatrice des dérives d'un phénomène qui touche un nombre de secteurs toujours plus grand.

Non, même l’esprit le plus tordu des geeks peuplant la Silicon Valley ne pouvait pas sérieusement proposer à des particuliers une “ubérisation” du ramassage des déjections canines. Pourtant, le phrasé présent dans la description de l’application et la plateforme elle-même, nous renvoient systématiquement au champ lexical développé par les mastodontes de ce modèle, tels que Airbnb ou Uber. 

Mettant en avant “l’utilité” olfactive et hygiénique d’un désenclavement du ramassage de crottes, Pooper n’est donc qu’une parodie de ces applications qui, il faut l’avouer, ont du mal à renouveler leur discours, malgré leur omni-présence sur des secteurs de plus en plus variés et nombreux. 

L’objectif était simple pour Ben Becker et son acolyte Eliot Glass. Dénoncer la course de effrenée de l’offre et de la demande sur les plateformes collaboratives. Celle là même qui pousse les plus désargentés à s’occuper des tâches les plus humiliantes à la place de ceux qui peuvent les rémunérer mais dont le poil dans la main ne sert désormais que de stylet pour leur smartphone. Une manière créative de mettre en garde contre les dérives de l’ubérisation et de son système de travailleurs indépendants donc. 

Un canular bien ficelé

Toute l’ingéniosité de ce canular réside dans sa diffusion. Conscients de la plausibilité de l’existence d’une telle application, ses créateurs ont voulu tester la crédulité des médias et des particuliers en la proposant sur les web stores mobile et en envoyant des communiqués de presse aux grands groupes de presse. Le résultat ne s’est pas fait attendre puisque la plateforme a compté une centaine d’utilisateurs ainsi qu’un grand nombre de retombées presse dans des médias tels que le très sérieux Wall Street Journal ou encore le Daily Dot. Il faut savoir que Becker et Glass s’étaient donnés les moyens d’être plausibles puisque le nom de domaine et des boîtes mails existaient au nom de l’application. 

Si ce canular peut faire rire, le taux de crédulité amène à s’interroger sur le devenir de l’économie collaborative. Si elle peut se montrer tout aussi positive pour le client et le prestataire, elle démontre également des limites. Doit-on laisser le progrès se développer de lui même en considérant toute les possibilités d’ubérisation comme positives ? L’ubérisation de toutes les tâches domestiques n’annonce t-il pas un risque d’asservissement des plus pauvres au profit de riches fainéant ? Affaire à suivre...

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