Culture et économie collaborative

Culture et économie collaborative

  /   par David Frade

Contributeur à hauteur de plus de 3% du PIB français, la culture ne subit-elle pas aussi à son échelle, la révolution de l’économie collaborative ? Musées participatifs, orchestres formés sur la base du volontariat, dématérialisation des supports pour les contenus audiovisuels, encyclopédies collaboratives… Autant de nouveaux usages  permis par les nouvelles technologies, donnant accès à la culture au plus grand nombre. Quelques années seulement un premier bouleversement dans l'univers du cinéma et de la musique apporté par les plateformes de téléchargement peer-to-peer, la culture est en passe de devenir un bien commun, accessible à tous.
 

La culture et le patrimoine français font partie des éléments d’attractivité principaux de notre pays. Contributeur plus important que le secteur automobile dans l’économie française, elle est aussi source d’emploi, puisque on y dénombre plus de 1,2 millions de salariés. Après une première révolution apportée par le numérique et la dématérialisation des contenus, c’est aujourd’hui l’aspect participatif et collaboratif qui prône la place d’agitateur culturel.
 

Le crowdfunding à la rescousse des projets désargentés

Existantes depuis plusieurs années, les plateformes de crowdfunding (KissKissBankBank, Ululle, KickStarter…) voient leur activité associée de manière croissante à des projets culturels. Après les quelques artistes révélés par le site MyMajorCompany au début des années 2000, c’est désormais un pléthore de films, d’albums, d’expositions ou encore de spectacles qui sont financés grâce au financement participatif. Si les campagnes remportant le plus grand succès sont bien entendu celles qui sont affiliés aux structures et aux noms les plus connus, quelques projets plus confidentiels ont pu voir le jour grâce au crowdfunding. On pense notamment au film Merci Patron! de François Ruffin, qui, après plusieurs semaines en salle, a largement séduit la critique et le public. Le rédacteur en chef du journal très à gauche, Fakir, et réalisateur du film avait pu récolter un peu plus de 8000 euros grâce à la plateforme KissKissBankBank et ainsi mettre en place son piège filmé contre le géant français du luxe, LVMH. Loin d’être précurseur, François Ruffin n’a fait qu’imiter les américains qui ont déjà démocratisé cette solution pour faire exister des productions en mal d’argent (Veronica Mars, Blue Mountain State, Le rôle de ma vie…).

 Mais le septième art n’est pas le seul à employer les moyens collaboratifs lorsque les solutions de financement classiques ne suffisent plus. Le musée du Louvre en est le parfait exemple. Déjà auteur de plusieurs levées de fonds sur le site tousmécènes.fr, l’établissement culturel le plus connu du monde tente actuellement de réunir les 600 000 euros nécessaires pour l’achat de « L’amour », sculpture de la renaissance datant du XVIIIe siècle. Il met ainsi à contribution ses visiteurs pour compléter ses collections tout en recherchant une forme d’approbation de son public quant à ses nouvelles acquisitions. Une nouvelle manière de financer les musées français vivant exclusivement grâce aux fonds publics et au mécénat mais aussi de sonder le public pour savoir quelles sont les œuvres qui vont remporter l’adhésion et donc amener le plus grand nombre de visiteurs. Dans le monde de la culture, le crowdfunding n’est pas une simple récolte de fonds, c’est aussi un sondage d’intérêt des publics à propos du projet qui est proposé.

 
  
Des réflexions collectives pour démocratiser les usages numériques
 

L’aspect financier n’est pas le seul solutionné par l’économie collaborative. Outre les institutions séculaires et les grandes sociétés de production, un nouvel acteur est venu participer à la vie culturelle de l’Hexagone, les groupes de réflexion. À l’image de OuiShare, think tank sur l’économie collaborative dans le monde de l’entreprise, de nombreux collectifs sont venus souffler un vent d’innovation sur un secteur considéré comme « en retard » vis-à-vis du numérique. Créée en 2014, la plateforme Muséomix en est certainement l’exemple le plus concret et le plus aboutis. Lieu de rencontre de professionnels et d’étudiants du milieux culturel, cette organisation collaborative mène une réflexion approfondie sur ce que devrait être le musée 2.0. Les résultats des travaux menés durant l’année sont retranscrits au travers de leur événement annuel qui prend place dans tous les musées affiliés au projet. Un véritable moyen de découvrir ces établissements autrement puisqu’interaction et participation des visiteurs sont les maitre-mots de ces expositions éphémères. L’édition de 2015 s’est soldé par un succès retentissant puisque ce ne sont pas moins de 1000 participants qui ont vu leurs propositions appliquées dans 10 musées de 5 pays différents. Un succès du collaboratif donc, dont ce sont certainement inspiré les créateurs du site i like cinema. Autre plateforme collaborative, ce site permet aux internautes d’organiser soit-même des projections du film de  choix dans des salles de cinéma en France. Soumis à l’approbation du plus grand nombre, les séances retenant le plus de participants sont officiellement programmées dans le cinéma en question. On parle, dans ce cas, de cinéma à la demande.  

L’introduction du modèle collaboratif dans la culture n’en est qu’à ses balbutiements. Si de nombreuses solutions alternatives aux modes de consommation classiques de la culture sont apparus, peu de ces alternatives sont venus modifier massivement les comportements du consommateur, mis à part le crowdfunding. Néanmoins, de nombreux collectifs ce sont créés autour de cette réflexion et les bouleversements les plus importants, apportés par les nouvelles technologies et le modèle de l’économie collaborative sont encore à venir.

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